Vivre le Jeûne Fédéral dans la prière

Pour approfondir

Voici quelques réflexions qui pourraient vous aider. Les participants à la semaine ne sont pas appelés à souscrire à ces réflexions, mais celles-ci reflètent l’esprit dans lequel la démarche est née…

« Arrêtez-vous ! (ou : Silence !), et sachez que je suis Dieu ! » – Psaume 46.11

« Venez à moi, vous tous qui portez des charges très lourdes et qui êtes fatigués…»  – Matthieu 11.28-30

1) Ecouter Dieu – pourquoi ?

Parce que nous sommes envahis et souvent même emprisonnés par le bruit du monde autour de nous, mais aussi par les voix en nous-mêmes, nos pensées, nos sentiments, nos impulsions. Nous n’arrivons pas à faire le tri, nous ne savons pas selon quels critères, et nous nous sentons déboussolés ou carrément tombons malades.

Alors nous avons besoin de nous arrêter : non pas pour écouter tout ce qui grouille en nous, dans un regard tourné vers nous-mêmes (même si on passe parfois par là comme une étape vers autre chose !), mais le regard tourné vers Dieu. Et non pas d’abord pour ce qu’il va (doit ?!) nous donner comme choses que nous désirons ! Mais pour se réjouir de qui il EST ! Et non pas pour recevoir plus de la même chose : encore des projets à réaliser, des événements à produire, des choses à faire. Mais pour se joindre à SA dynamique, sa manière de travailler : sa charge n’est pas lourde !

Le regard tourné vers Dieu, même pas d’abord pour être guidé, pour recevoir ses conseils. Cela peut venir après, dans la deuxième partie de la prière. Mais d’abord simplement pour être dans sa présence (qu’on la sente ou non… quand on l’appelle il vient, c’est une promesse). On l’invite pour ainsi dire gratuitement, pas pour qu’il fasse quelque chose : Renonçons au « il faut » pour Dieu aussi ! Son Amour nous suffit (Voir la prière de mardi.)

2) Quel Dieu ?!

Non, ce n’est pas une question superflue. Nous voulons nous tourner vers le Dieu qui s’est fait connaître à travers l’histoire décrite dans l’Ancien Testament, ce Dieu qui crie : « Arrêtez ! Silence ! C’est moi qui suis Dieu ! »  –  et à travers l’histoire décrite dans le Nouveau Testament, le Dieu qui se rend humain chez les humains en Jésus-Christ, qui dit : « Venez ! Vous qui êtes fatigués et chargés  – venez à moi, car je vous donnerai le repos… Je ne suis pas là pour vous dominer … apprenez de moi… et vous trouverez le repos. »                          Ce Dieu encore qui vient nous réveiller par les paroles du Christ : « La chair (votre réalité centrée sur vous-mêmes) ne sert à rien, ne vous amène nulle part. Il faut mon Esprit… »

Le défi de cette semaine, avant même de recevoir la volonté de Dieu, c’est de recevoir sa révélation de qui il est.

Chaque personne veut être reconnue pour qui elle est, et non pas être mise dans un moule quelconque. Avec Dieu ce n’est pas différent. Alors si la première question posée pour cette semaine est : « Seigneur, qu’est-ce que tu dis de toi ? »  –  ce n’est pas une boutade. C’est une question dangereuse mais nécessaire : Seigneur, qui es-tu ? Comment es-tu ? Viens te révéler ! Viens nous parler de toi, viens partager ton être, ta vie, tes désirs, tes idées. Viens ouvrir ton cœur à nos yeux, pour que nous puissions te reconnaître et t’aimer. Viens partager notre vie et partage-nous la tienne – à nos risques et nos périls, dans ce que notre vie a de meilleur … et de pire !

3) Ensemble – pourquoi ?

Parce que nous sommes envahis et souvent même emprisonnés par le « chacun pour soi » : aussi, et peut-être surtout ?, spirituellement. Chacun peut croire ce qu’il veut ? Chacun prie comme il peut ? Mais Jésus a dit qu’il se réjouit quand ses apprentis (et TOUS ses apprentis, quelle que soit la couleur chrétienne!) se mettent ensemble, et qu’il a soif d’une unité entre eux (Jean 17). Pendant cette semaine en septembre il ne s’agit pas d’organiser ou de réaliser des projets ensemble. Il s’agit d’écouter Dieu ensemble, pour discerner ce qu’il a sur le cœur. Et ce n’est pas si évident que ça ! Il ne suffit pas d’écouter Dieu pour automatiquement avoir une réponse. En plus, tout ce qui vient dans la prière et le jeûne ne vient pas nécessairement de Dieu ! Dans l’Evangile de Matthieu au chapitre 4 Jésus jeûne et prie… et qui se pointe ? Satan ! Nous avons donc besoin les uns des autres pour entendre ensemble ce que l’Esprit du Christ veut dire à son Eglise. Besoin les uns des autres pour vérifier, pour corriger le tir, pour confronter aussi. Tout cela fait partie de notre pâte humaine, et ça demande un réel effort et un réel investissement.

Mais cela reste une charge légère. Pourquoi ! Parce qu’on est plusieurs ? Cela aide, mais ça peut aussi être compliqué.  Si Jésus promet que le joug est facile, c’est surtout parce que ce n’est pas nous qui prions, et Jésus qui prie avec. Ce n’est pas nous qui louons, discernons, cherchons, et Jésus nous regarde et veut bien donner un coup de main et rejoindre notre louange, notre discernement et notre recherche!  

C’est LUI qui porte la charge réelle, et c’est pour ça qu’elle est légère. C’est LUI qui chante et loue Dieu en sachant qui est ce Père magnifique – et il nous entraîne avec lui dans cette communion, cette intimité incroyable ! C’est LUI qui discerne et qui veut nous apprendre à voir juste, à voir clair avec lui. C’est LUI qui vit totalement la Vie de Dieu et de son Royaume et qui nous invite à chercher, ET à trouver !, avec lui. Et c’est dans cet ENSEMBLE que nous allons trouver le repos.

4) Pourquoi une semaine ?

Parce que nous sommes envahis et souvent même emprisonnés par les « il faut » liés au temps : il faut maintenant, et tout de suite, et plus vite, et c’est urgent, et … et… La pression est énorme !                       

Alors nous avons besoin de nous arrêter : vraiment ; pas juste une minute. Pour retrouver l’essentiel, le sens de notre vie, notre vie personnelle, notre vie d’Eglise, qui se cache en Dieu, et en Dieu seul.

Concrètement : prendre chaque jour de cette semaine si possible 40 minutes, à un moment de notre choix, pour entrer dans une vraie démarche de changement de vue, d’orientation : « Arrêtez-vous… ! »

5) Pourquoi un jeûne ?

Parce que nous sommes envahis et souvent même emprisonnés pas les « il faut » liés à notre (soi-disant !) bien-être, qu’il soit matériels/physiques : il faut être rempli de nourriture, avoir un gros salaire, être beau, en super forme…  –  psychique : il faut être intelligent, bien dans sa peau, cool, bien vu, apprécié, heureux, joyeux, content… (Et si tu ne l’es pas, t’es un raté, un échec, un nul…)  –  ou spirituel : il faut être un « bon chrétien » (c’est quoi, au fond ?), avoir « bon cœur » (c’est quoi ?), être gentil, aimable, serviable, engagé dans au moins trois œuvres caritatives… ou il faut être zen, toujours paisible, détaché…

Quand Jésus dit : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu, et le reste vous sera donné en plus ! », il parle d’un autre objectif car d’une autre réalité, qui est en contraste avec notre réalité humaine, et non pas son prolongement. Les Ecritures parlent de la lutte entre « la chair » (notre fausse autonomie qui se veut indépendante de Dieu et se rebelle donc contre lui) et l’Esprit (la dynamique de Dieu), entre ce qui vient d’en haut et ce qui vient d’en bas, entre nos ressources humaines et le Royaume. On pourrait appeler notre dimension uniquement humaine la « deuxième dimension », et la dimension de Dieu (qui englobe celle humaine, mais qui est invisible si l’Esprit ne nous la montre pas) la « troisième dimension.

Les besoins, appels, critères et contraintes de la 2. dimension vont éternellement nous mettre sous pression, nous coincer, nous fatiguer : c’est un fardeau lourd et encombrant, car nous ne sommes pas faits pour cela ! Les appels de Dieu, venant de Sa troisième dimension, nous rendent toujours un peu plus libres, si nous y répondons. Alors nous découvrirons le fardeau léger : « La chair, elle, ne sert à rien. C’est l’Esprit qui fait vivre. » (Pour aller plus loin, voir sous « La prière de Nicolas »)

Alors nous avons besoin de nous arrêter : concrètement, en renonçant à une de ces contraintes qui sont devenues une prison. Pour nous rendre compte que nous pouvons … nous en passer. Devenir un peu plus libres.

Ca sonne bien… Mais pourquoi c’est si difficile ?!

Nous sommes emprisonnés, non seulement dans des « il faut », mais dans quelque chose de plus subtil, de plus caché, et de plus dangereux : dans des fausses images. Au fond, les « il faut » viennent des fausses images : d’abord sur Dieu, puis sur nous-mêmes, les autres et le monde.

Quelques exemples ?

Le dieu-fouetteur… mais aussi, en voulant éviter celui-là, le dieu- éternel-sourire-gentil.           Le dieu-à-notre service, une sorte de père Noël amélioré … ou, à l’autre bout de l’échelle, le dieu-qui-s’en-fiche-de-nous, ou qui n’a pas le temps, ce qui revient au même.

Des fausses images sur nous : j’suis le meilleur … ou je suis nul. Je n’ai pas le droit d’exister, d’être moi … ou je prends toute la place, je m’impose…

Sur l’autre : il est mon concurrent donc mon ennemi, la place qu’il prend diminue la mienne, il doit remplir mes trous d’affection… etc. etc.

Dieu nous appelle à nous débarrasser de ces fausses images qui sont autant de toxines : nous avons besoin de jeûner spirituellement aussi. Et parce que nous sommes qui nous sommes, et que le spirituel semble parfois un peu lointain, ça nous aide de soutenir et de souligner ce jeûne spirituel par un jeûne plus palpable : de renoncer à quelque chose qui fait partie de notre vie de tous les jours. Si nous arrêtons pendant une semaine entière quelque chose qui nous est familier, que ça soit nourriture, cigarette, alcool, téléphone ou internet, tout notre être est affecté, interpelé, et nous sommes encouragés à nous tourner vers Quelqu’un d’Autre : Qu’est-ce que Toi, Dieu, tu dis de moi, de nous, des autres ?

6) Pourquoi la prière ?

Parce que nous sommes envahis et souvent même emprisonnés par les « il faut » de notre fonctionnement en circuit fermé. C’est un peu comme si nous tournons en rond dans un aquarium de solitude : je suis tout seul à gérer ma vie, prendre soin de moi, me protéger… il n’y a que moi pour me défendre, et je ne peux compter que sur moi, donc il faut que je maîtrise, que je contrôle… et que je manipule si nécessaire, pour assurer mon bien, et celui de ma famille.                                

Alors nous avons besoin de nous tourner vers celui qui ne s’est pas trompé en nous créant ! , et qui ne va pas nous laisser tomber une fois qu’il nous a posés dans ce monde. Il nous a voulus, rêvés, façonnés, pensés… Et il veut nous voir grandir, évoluer, nous rapprocher de lui, devenir ses enfants. Il veut nous libérer des charges inutiles et lourdes, qui nous éloignent de lui, il veut nous introduire dans une réalité toute autre, et poser sur nous une charge tout autre. Quand nous prions, nous venons à lui, nous reconnaissons les fausses charges, nous laissons le Christ les enlever, et nous prenons sa charge à lui, qui nous donne notre place et nous fait vivre.

JEÛNER ENCORE AUTREMENT

Quand on jeûne, on renonce à une chose qui nous est familière et qui peut être bonne (la nourriture, le vin, le travail) comme mauvaise (la drogue, la cigarette) pour nous. On peut aussi jeûner d’une chose qui peut être bonne mais qui a dérapé et est devenue un piège : la nourriture, le vin ou le travail dans une quantité excessive qui nous détruit, qui prend toute la place, qui devient le centre de tout. A ce moment-là il faut s’arrêter. Pour voir ce qui s’est passé. Et prendre une décision. Arrêter de subir, pour commencer à assumer. Dire « Stop ! » à la nourriture devenue notre maître ; « Stop ! » à l’alcool qui commence à nous tenir dans ses griffes ; « Stop ! » au travail qui dicte et dirige tout et ne laisse plus la place pour la famille et notre temps libre. Cet arrêt est nécessaire pour continuer autrement, pour mettre des limites. Autrement dit : quand l’Original a dérapé et est devenu une caricature, un arrêt est nécessaire. Il faut jeûner de la caricature  –  pour retrouver l’Original !

Il y a un parallèle spirituel. Une chose bonne en elle-même peut déraper et devenir un piège. Par exemple : notre intellect, nos émotions, notre volonté sont des cadeaux de Dieu, des « Originaux » créés par lui. Mais ces cadeaux peuvent être mal gérés, c’est-à-dire, posés en absolu, au centre de notre vie et de notre être. A ce moment-là ils ne sont plus à leur place, car le centre de notre vie est fait pour Dieu seul. Ceci a donc une conséquence : ces cadeaux, ces Originaux posés à la mauvaise place, dérapent et deviennent des caricatures. Des caricatures qui ont une emprise sur nous, qui prennent toujours plus de place et commencent à régner sur nous. Ce qui veut dire aussi que nous arrivons de moins en moins à les mettre en question : ils sont devenus les « rois » de notre vie, des idoles, auxquels nous nous soumettons. C’est comme s’ils étaient devenus autonomes, menant une vie autonome, qui est difficile à stopper.  

Il peut quand même arriver que nous nous rendons compte de cette tyrannie cachée. Nous nous arrêtons, nous regardons ce qui se passe et nous décidons de dire « Stop ! ». C’est très bien ! Mais ensuite ça risque de se compliquer. Car au lieu de revenir à l’Original dont la caricature a dérapé et qu’elle remplace, nous avons tendance à foncer vers l’opposé.

Un exemple. Notre intellect peut déraper et devenir le moteur de toute notre vie. Alors il devient tout-puissant. Tout est mesuré selon ses exigences. Ce qui ne correspond pas à ses critères est balayé ou ridiculisé. C’est grave et je crois que nous en avons tous souffert.

C’est bon de se rendre compte ! Et alors, de revenir à un intellect soumis à Dieu, qui ainsi est remis à sa bonne place et peut pleinement s’épanouir!

Malheureusement, beaucoup de personnes virent dans la direction opposée et déclarent que, non, ce n’est plus l’intellect, mais désormais l’émotion qui va décider. La toute-puissance de la pensée a cédé la place à la toute-puissance des émotions !  Place au subjectif : ce que je sens est la vérité qui doit être suivie à tout prix !  « Je pense donc je suis » est substitué par  « Je sens donc je suis ».